Penser le continent africain est, avec le temps, une tâche des plus ardues. Les clichés l’entourant et les pseudo-certitudes étant nombreux. C’est cette Afrique du Sida, des famines, des guerres et de tous les maux possibles et imaginables, que l’écrivain et économiste Felwine Sarr, souhaite faire disparaître de l’esprit de tous, à travers son livre Afrotopia.
Pour l’auteur, il faut en finir avec les critères d’évaluation prétendument objectifs et universels comme le PIB ou l’indice de développement.
L’Afrique n’a personne à rattraper. Ni l’Europe, ni les Etats-Unis : elle doit seulement suivre le chemin qui lui est tracé, portée par ses propres valeurs.
En lisant ce résumé, vous découvrirez de quelle manière Felwine Sarr, compte en finir avec cette course au progrès et au développement, calquée sur le modèle occidental.
Vous découvrirez également :
qu’il est faux de croire que “l’Afrique est en retard” : pour lui, elle n’a personne à rattraper ;
que l’Afrique est un continent plein de ressources et en plein évolution ;
que l’homme africain doit vaincre en lui tout sentiment d’infériorité, pour s’accaparer sa véritable identité.
Chapitre 1 : Re-Penser l’Afrique
Depuis bien des années, le destin de l’Afrique est prédit par différentes personnalités de milieux divers et variés. Tantôt un continent à l’agonie , asphyxiant, tantôt une économie d’avenir et florissante.
Si ces idées sur le continent divergent, c’est, selon l’auteur, la preuve que l’Afrique est prise en otage. Décrit par des personnes incompétentes, ce continent n’est pas estimé à sa juste valeur.
Dans son essai « Afrotopia », l’économiste et écrivain sénégalais veut en finir avec l’injonction du « développement » héritée du positivisme scientifique occidental.
Pour Felwine Sarr, l’Afrotopia est une utopie, mais une utopie active. Une utopie qui tente de déceler la réalité africaine et les horizons vers lesquels orienter ses efforts.
Penser l’Afrique, c’est débroussailler une forêt dense et touffue. C’est redéfinir la vie autrement que sous le mode de la quantité et de l’avidité.
Les sociétés occidentales jugent l’Afrique selon les mêmes critères que pour le reste du monde :
PIB ;
développement ;
objectif de développement durable,
…
Cependant, ces critères ne peuvent pas s’appliquer à ce continent. Fort de sa richesse et de sa complexité culturelle, économique et sociale.
Le paysan sénégalais qui travaille au champ ne se préoccupe pas de savoir si son pays est en avance sur son voisin. Il s’inquiète plutôt de la météo, de la pluie, de la sécheresse, en attendant la moisson.
Au lendemain des indépendances, les Etats africains ont commis l’erreur de calquer leur projet de développement sur les pays occidentaux. Faisant de ce fait fi de la singularité de leurs populations, des traditions et de tout ce qui fait l’Afrique.
Sous la pression d’Hommes politiques, dont le président américain Harry Truman, les pays africains se sont sentis comme obligés de rattraper un retard qui, en réalité, n’en était pas un. Celui-ci n’existant que dans l’esprit de ce politicien et de nombreuses autres personnes, souvent bien intentionnées. C’est dans un discours datant du 20 janvier 1949 que le président américain prononce pour la première fois l’expression « sous-développé » . Il désignait ainsi les pays n’ayant pas encore atteint le stade industriel.
S’il n’a rien de mal à s’inspirer d’autrui pour tirer partie d’une expérience ou d’une expertise, les chefs d’Etats africains auraient dû rejeter toute connaissance incompatible avec l’Afrique, pour n’accepter que celles susceptibles de participer à son épanouissement.
On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir sur du noir. Chacun a besoin de l’autre pour se révéler. Proverbe africain
Quand on comprend que le développement n’est pas fonction du voisin, alors, les expressions comme Tiers-monde ou pays en voie de développement, n’ont plus aucune raison d’être. L’utopie africaine proposée par Felwine Sarr vient modifier cette perception faussée du continent africain. Elle invite à la mise en place des projets de société alliant le culturel, le social, l’économique et le politique, tout en respectant les particularités de chaque groupe de population.
Chapitre 2 - il faut savoir allier culture africaine et modernité
L’Afrique doit évoluer avec son propre modèle de modernité. En faisant cela, elle ne tombera pas dans le piège de la surconsommation et du tout jetable. Être moderne ce n’est pas avoir la tour la plus haute du monde, plusieurs dizaines de fast-food au kilomètre carré ou se payer le luxe de brûler des billets de banques en plein plateau de télévision.
L’Afrique doit définir son propre modernisme.
Il faut pouvoir tenir compte des traditions ancestrales, des particularités culturelles et des sensibilités propres au continent. Il ne s’agit pas de tourner le dos aux autres parties du monde. De rejeter tout apport extérieur, mais les sélectionner, pour qu’ils correspondent au modèle africain.
L’Afrique est aujourd’hui un continent cosmopolite et, suite au colonialisme, culturellement métissée. C’est ainsi que nombre d’africains se retrouvent parfois à jongler entre deux cultures : une africaine et une autre plus occidentale. Ce métissage n’est pas toujours à rejeter, tant qu’il n'empiète pas sur les valeurs profondes de l’Afrique.
Selon l’intellectuel gabonais Luc Ngowet, la modernité africaine est un mouvement continu. Celui-ci prend aussi bien en compte les apports et les méfaits de la colonisation, que les coutumes ancestrales.
C’est pourquoi il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à comparer en permanence l’Afrique et l’Occident.
Considérer l’Afrique comme étant “en retard” par rapport aux sociétés occidentales, c’est penser en colonialiste.
Plusieurs mondes peuvent cohabiter et s’opposer pour mieux s’unir.
L’Afrique ne doit pas rejeter autrui, mais doit en même temps s’attacher à mettre en valeur :
Ses principes moraux et culturels ;
Sa spiritualité, voir sa religion ;
Son art ;
Sa musique ;
Sa politique et notamment sa propre « démocratie » ;
L’Afrique ne doit plus se laisser dicter ses projets de loi ou sa politique publique par des organisations étrangères. Certains participants d’ailleurs à la ruine du continent.
L’Afrique n’a pas besoin d’aide humanitaire. Elle a besoin qu’on la respecte.
Il est temps que ce continent de plus d’un milliard d’habitants reprenne son destin en main. Il est temps que l’Afrique avance à son propre rythme.
Une progression qui se fera en alliant tout ce qu’il y a de bon dans le modernisme avec les qualités de la tradition africaine.
Chapitre 3 - L’Afrique doit avancer avec des alliés fiables
Le continent africain regorge de richesses incommensurables, possède une population jeune et forte, prête à tout s’émanciper. Sa superficie est supérieure à celles des Etats-Unis, la chine, l’inde et une partie de l’Europe, mises côte à côte. D’ici 2050, sa population devrait. Tant d'atouts qui sur le papier devraient faire de l’Afrique le continent le plus puissant de la planète. Pourtant la réalité est tout autre. Qu’en est-il ?
Le problème pourrait bien provenir de l’histoire même du continent, et des personnes ou des Etats ayant signé des traités avec l’Afrique.
La traite des esclaves et la colonisation ont fait beaucoup de mal au continent noir. Il n’est pas question ici d’apitoiement, mais de faits historiques.
Aux lendemains des indépendances, des hommes politiques, souvent de simples citoyens, sans connaissance aucune, ont hérité de sociétés pillées et affaiblies. Les conséquences de tout cela peuvent encore se sentir aujourd’hui.
Il y a aussi, malheureusement, la corruption de la classe politique, soutenue la plupart du temps par des sociétés étrangères influentes, et capables même de renverser des États.
Si l’indépendance des pays africains est effective au sens politique du terme, elle ne l’est absolument pas du point de vue économique. Les multinationales exploitent toujours les ressources naturelles par le biais de contrats abusifs, sous couvert d’une implantation de nouvelles technologies, souvent obsolètes.
La solution proposée par la majorité des économistes est un investissement de l’Afrique dans l’éducation et la santé afin de permettre aux citoyens de prendre en main la gestion de leurs ressources.
Les jeunes africains devraient aussi miser sur l’entrepreneuriat, afin de ne plus dépendre ni de l’Etat, ni des emplois créés par des sociétés étrangères.
Une autre possibilité serait qu’en plus de la technologie occidentale, les habitudes économiques traditionnelles telles que le troc soient respectées. Ce ne serait que plus bénéfique aux populations qui maîtrisent sur le bout des doigts ce modèle économique.
L’Afrique a besoin, comme chaque pays, de synergiser et tirer partie des forces des autres. Mais pour ce faire, elle a besoin d’alliés fiables, de préférence issus du continent même.
Chapitre 4 - L’économie culturelle va bouleverser l’Afrique
Une économie qui repose sur la culture africaine a toutes les chances de réussir. La seule condition est de prendre en compte toutes les cultures, qui sont diverses, et d’identifier leurs caractéristiques communes.
Dans les économies traditionnelles, les principes de partage, de richesse et de travail visent à garantir la subsistance de toute la communauté.
L’africain traditionaliste pense d’abord en termes de famille et ce modèle là peut potentiellement bouleverser l’économie du continent.
En 1981, le prix nobel d’économie Amartya Sen publia Poverty and Famines: An Essay on Entitlement and Deprivation, un livre dans lequel il démontre que:
“les famines ne sont pas seulement dues au manque de nourriture mais aussi aux inégalités provoquées par les mécanismes de distribution de la nourriture”
Amartya Sen
Selon l’économiste, qui a vécu l’expérience de la famine en Inde, le partage et la solidarité peuvent faire la différence en Afrique.
Le modèle capitaliste, qui a été à l’origine de fortes créations de richesses, a montré ses limites depuis des années. Au lieu de permettre une meilleure distribution des richesses, celles-ci se retrouvent détenues par une petite poignée d’individus.
L’Afrique ne doit pas s’inspirer de ce modèle qui créent des barrières sociales, mais garder ce sens de la famille issue des traditions ancestrales.
Dans une famille, tout le monde est mis à contribution et personne ne doit profiter de l’autre. C’est ce modèle de symbiose qui fera du continent Africain un lieu de félicité sans commune mesure.
Chapitre 5 - il faut en finir avec la science du blanc
Des siècles d’esclavage et de colonisation ont laissé des traces chez les Africains.
En effet, selon certains scientifiques, un traumatisme peut, grâce aux gènes, se transmettre de génération en génération.
De plus, de nombreux africains ont tendance, presque inconsciemment, à considérer les Blancs comme les maîtres de la technique.
C’est ainsi que certains gouvernements africains privilégient systématiquement l’expertise étrangère plutôt que le savoir-faire local.
Si le continent africain regorge de terres agricoles incroyables, c’est l’un de ceux qui importent le plus de produits en provenance de pays occidentaux. Tout cela en raison d’une qualité apparemment supérieure aux produits locaux.
L’Afrique doit en finir avec ce mode de fonctionnement et privilégier sa production locale et ses propres savoirs. Sans, évidemment, rejeter les avancées technologiques en provenance des autres continents.
En effet, favoriser le local, c’est aussi se réapproprier sa propre identité, se valoriser et grandir à son propre rythme.
L’auteur raconte l’histoire d’une jeune étudiante sénégalaise, Bousso Dramé, qui a refusé son visa pour la France après que les fonctionnaires de l’ambassade l’aient humiliée. Un traitement que de nombreux témoignages ont confirmé comme étant chose courante. Nul besoin d’aller en France pour développer des connaissances supérieures.
L’africain doit se réapproprier sa dignité, il n’en sera que plus compétitif.
C’est de cette jeunesse qui navigue sur Internet et s’investit dans les réseaux sociaux et les blogs que viendra le renouveau. Elle s’oppose à la subordination de leurs pays aux anciennes puissances coloniales, notamment à l’occasion des sommets Françafrique, où la France explique aux chefs d’État comment se comporter.
La musique a une fonction importante dans cette contestation :
elle incite les Africains à ne plus se poser en victimes ;
Son ton prône une prise de conscience du peuple, de sa liberté et de sa fierté — ce qui n’empêche pas les chanteurs de critiquer les régimes et les clans en place ;
Elle met en valeur les héros africains : Patrice Lumumba, Thomas Sankara, et surtout, Nelson Mandela.
Enfin, la prise de conscience du pouvoir des Africains va être facilitée par la publication de L'histoire générale de l'Afrique de l’UNESCO, qui débute dès l’apparition de l’Homme sur le continent. Celle-ci va permettre au peuple africain d’arrêter de ressasser le passé et d’exploiter les valeurs positives de leur culture.
Chapitre 6 - l’éducation comme moteur de changement
L’éducation et la formation sont indispensables au développement de l’Afrique.
Si d’énormes progrès ont été réalisés, il faudra attendre encore quelques années pour que l’éducation pour tous devienne une réalité sur le terrain.
De cette éducation devra émerger une prise de conscience populaire, avec un rejet d’expressions dégradantes comme tiers-monde ou pays en voie de développement. Ces mots rappelant une Afrique dépossédée de sa beauté originel, une Afrique barbare, qui a besoin qu’on lui dise en permanence quoi faire.
Le continent tout entier devra miser sur ses universités, réformer ses enseignements pour qu’ils correspondent aux valeurs africaines.
Le prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, préconise la “self apprehension”, c’est-à-dire la prise de conscience de leur culture par les Africains eux-mêmes. Il propose d’appréhender le réel africain par la science en “désoccidentalisant” le savoir scientifique
Wole Soyinka, écrivain nigérian et Prix nobel de littérature en 1986
Chaque pays doit adapter son enseignement à ses besoins (économiques, politiques, culturels). Pour cela, la recherche scientifique ne doit plus être soumise aux financements externes qui l’obligent à suivre un mode de fonctionnement élaboré ailleurs. Il est indispensable de se réapproprier les savoirs ancestraux, les traditions orales de la société d’avant la colonisation.
Chapitre 7 - Il temps d’inventer l’Afrotopos
L’Afrotopos est l’atopos de l’Afrique : ce lieu non encore habité par cette Afrique qui vient.
Il s’agit d’amener à la réalité cette Afrique rêvée par nos ancêtres. La faire paraître en passant par différents moyens comme la musique, la culture, la science, l’art, …Tout cela, aux couleurs de l’Afrique, bien entendu.
Afrotopia, néologisme inventé par l’auteur, désigne « une utopie active qui se donne pour tâche de débusquer dans le réel africain les vastes espaces du possible et les féconder. »
L’avenir de l’Afrique est en train de s’écrire, silencieusement peut-être, mais en tout cas sûrement. Une génération, qui ne veut plus être sous tutelle, émerge pour des sociétés africaines fortes, prospères et unies.
Fini le temps de penser l’Afrique en termes de « développement », « d’émergence économique », « de croissance » ou « de pauvreté ». Il est temps de rompre avec ces dénominations péjoratives, pour que les africains utilisent leurs propres expressions.
L’Afrique a l’occasion d’être meilleure que les autres continents, notamment en matière d’environnement et d’écologie.
Etre le continent impactant le moins l’environnement, offre l’opportunité d’apprendre des errements des autres et surtout d’emprunter d’autres chemins, puisque ceux-ci existent.
Conclusion
L’Afrique n’a personne à rattraper. Sa seule urgence est de se redécouvrir dans toute sa beauté. Il lui faut achever sa décolonisation par une «rencontre féconde avec elle-même .»
Aujourd’hui, chaque africain doit se réconcilier avec lui-même et avec histoire, en déterminant ce qu’il veut être et ce qu’il veut pour l’Afrique. Pour cela, il doit viser l’extraordinaire comme Nelson Mandela en Afrique du Sud et arrêter de penser qu’il est en retard sur les autres.
Afrotopia propose une nouvelle manière de regarder « l’Afrique en mouvement », d’après ce qui s’y vit vraiment et non d’après une vision totalement déconnectée de la réalité.
L’Afrique est belle, et son avenir est radieux.
Ce qu’il faut retenir de ce résumé :
Il faut repenser l’Afrique
il faut savoir allier culture africaine et modernité
L’Afrique doit avancer avec des alliés fiables
L’économie culturelle va bouleverser l’Afrique
il faut en finir avec «la science du blanc»
l’éducation est un moteur du changement
Il temps d’inventer l’Afrotopos